Laetitia de l’association FREE, lutte contre l’exploitation sexuelle

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Rencontre avec Laetitia de l’association FREE qui lutte contre l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants. J’ai pu profiter de son passage dans ma région pour lui poser quelques questions  sur ce thème hautement important. 

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis Laetitia Gotte Dragan. Je vis en Roumanie mais je suis née à Nice et d’origine de Tours. De formation conseillère sociale et familiale parce que je voulais travailler avec la population tsigane.

C’est lors de mes études que j’ai eu l’occasion d’aller deux fois en Roumanie. Lors de mon deuxième voyage, j’ai fais une étude sur le phénomène d’immigration des Roms en France. Cela m’a beaucoup interpellée et touchée. A l’obtention de mon diplôme d’état je suis retournée en Roumanie pour être bénévole dans un orphelinat pendant 7 mois (association Vie et Lumière), une expérience super, magnifique. Puis j’ai travaillé dans un foyer de femmes où j’ai rencontré une femme du Kosovo, très rebelle, qui m’a raconté son histoire très dure. Elle s’est retrouvée prise dans un réseau de trafic sexuel, a subi des viols répétitifs pour la briser puis elle a été envoyée dans un pays de façon illégale pour être une prostituée. Mais elle a réussi à s’échapper et à monter dans une voiture qui passait par là. Elle est arrivée dans ma ville, c’est à ce moment là que je l’ai rencontrée et que j’ai été confronté à ce problème de trafic humain.

Comment as-tu rencontré Jésus ? Quelle est ton histoire avec le Dieu de l’univers ? 

Je me suis convertie à l’école du dimanche, et je me suis sentie appelée à la mission  à 6 ans, puis à 8 ans par rapport aux enfants des rues. Puis vint l’adolescence… Une période qui fut assez rebelle et difficile, j’ai eu besoin de prendre mes distances et de faire mon propre cheminement, que ce ne soit plus la foi de mes parents mais ma foi à moi. Après le bac j’ai passée une année en Angleterre. C’était avec une église, ça ne me tentait pas vraiment, mais j’avais gardé au fond de moi une certaine crainte de Dieu et je sentais qu’il fallait que j’y aille. Cela a été une année clé au niveau de ma foi, j’ai vécu quelque chose loin de mes parents et quelque chose de façon indépendante.

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En quelques mots qu’est ce que FREE ?

En roumain cela veut dire Femmes rachetées et libérées. Notre vision : que les femmes et les enfants de Roumanie exploités sexuellement, soient libérés, restaurés et en mesure de reconstruire leur vie et leur avenir avec la Grâce de notre Seigneur Jésus. En Roumanie il n’y avait pas d’association chrétienne qui allait dans les rues au contact des prostituées.

Nous avons deux missions : venir en aide aux femmes et aux enfants dans la prostitution en collaboration avec les centres existants et la prévention.

Comment est née cette association ?

Après 5 années à travailler avec les enfants Roms et les enfants des rues, je me suis rendue compte qu’il y avait ce problème qui revenait assez souvent : cette problématique de traite et d’exploitation sexuelle des femmes, de la prostitution. J’ai aidé quelques femmes comme ça mais je n’avais pas un ministère focalisé là-dessus. Je me suis mariée et nous sommes partis en lune de miel. On a voyagé dans plusieurs pays cette année là, notamment on a visité le quartier rouge de Bombay (un des plus grands quartiers au monde pour la prostitution) qui m’a marquée. J’ai aussi repris des études aux Etats Unis. J’ai fait un Master au Fuller Theological Seminary et un des cours choisi avait pour intitulé : comment l’église peut s’impliquer dans le problème de la traite humaine. En faisant des recherches pour le cours, j’ai vraiment été remuée. Je me suis dit qu’il fallait que les églises se bougent plus par rapport à cela.

Je suis ensuite rentrée en Roumanie et à l’occasion du 18 octobre* je me suis dit que j’allais faire des actions dans les églises pour en parler. Je me suis adressée à quelques pasteurs qui ont été ouverts et m’ont laissée en parler. On a eu quelques manifestations aussi dans la rue, des campagnes d’affichages. 

Des personnes ont été touchées et une personne particulièrement m’a dit : tu ne peux pas t’arrêter là il faut que tu continues, il faut aller plus loin ! Mais on avait besoin d’exister officiellement pour continuer, pour organiser une manifestation dans la rue par exemple. Voilà comment on a commencé cette association. (*C’est la journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains)

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Comment fonctionne t-elle ? Comment les filles sont aidées ?

On cherche les femmes esclaves de l’industrie du sexe. Pour être au plus près des femmes : On a 3 sorties par semaine dans les zones de Bucarest, on essaie de créer des relations de confiance avec ces femmes, trahies, souvent, par des personnes de confiance (la police est souvent corrompue, abusées par les clients, trahies et vendues par des proches). On vient avec du café, du thé, des choses à offrir, des brochures. 

Ensuite on essaie de passer à l’étape suivante, les rencontrer en dehors de la rue. On a un petit lieu où l’on peut se rencontrer, il y a une étude biblique chaque semaine. Dans un autre lieu, il y a une permanence où elles peuvent faire des démarches sociales, de réinsertions, consulter un médecin. Un autre jour il y a des activités créatives. On leur propose aussi des contrôles gynécologiques, de discuter de leur santé, les aider dans leur recherche de travail, ce n’est vraiment pas évident.

Depuis une année ou deux, on fait aussi des sorties ponctuelles dans d’autres villes de Roumanie, notamment à Constenta, lieu de tourisme sexuel très connu. On a réussi à former des équipes locales là-bas c’est tout récent, donc c’est vraiment bien d’avoir des gens sur place.

On fait de la prévention dans les écoles grâce à une BD pour faire réfléchir les roumaines. (photo ci-dessous)

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Pourquoi la Roumanie ? Puisque le trafic existe partout dans le monde et en France ?

La Roumanie est un pays source même le n°1 des pays sources (il y a aussi la Bulgarie, le Nigeria, la Moldavie). La France est un pays de destination du trafic sexuel. Cela avait du sens pour moi d’aller au pays de source.

Il y a t’il une antenne en France ? Fais-tu des tournées régulières en France ?

On a commencé cette association grâce au soutien de quelques églises en France. On a besoin de ce soutien car nous ne faisons pas appel aux subventions européennes parce que c’est très lourd à gérer mais surtout parce que nous ne voulons pas mettre de côté le côté chrétien, nous voulons garder cette étiquette chrétienne et avoir la liberté de partager notre foi avec ces femmes. Donc nous visitons en France ces églises qui nous soutiennent. Nous venons aussi sensibiliser les églises de façon générale en France car certains chrétiens n’ont pas été sensibilisés à cela. Aux Etats Unis les églises sont très très actives et c’était beaucoup moins visible en France. Il y a le pasteur des prostituées qui est assez connu tout de même !

Plus que d’implanter des antennes, on aimerait entrer en contact avec des associations déjà implantées localement en France et travailler avec elles. J’aimerai aussi emmener avec moi des collègues roumaines qui ont un témoignage car sorties de la prostitution. Elles pourraient parler directement aux femmes roumaines en France, car elles parlent la langue, connaissent la culture et c’est encore mieux pour les approcher. Ces femmes sauraient qu’elles peuvent compter sur quelqu’un si elles souhaitent revenir en Roumanie, recevoir un soutien.

Dans une seule rue à Paris, il y a quelques jours j’ai compté 76 femmes et il y a avait des roumaines. J’ai pu discuter avec elles et leur ramener des petits cadeaux, des choses qui leur rappellent la Roumanie !

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Comment peut-on aider nous ici ?

  1. La prière car c’est une lutte spirituelle. Prier personnellement, en réunion d’église.
  2. Faire connaître autour de soi le problème. Tout reste dans les ténèbres, il faut mettre les choses en lumière, que les gens sachent ce que c’est, soient au courant du problème. Parfois les gens ne savent pas vraiment pourquoi les prostitués sont là, pensent que c’est toujours par choix. Le film Nefarious est vraiment bien pour cela.
  3. Investir financièrement dans les associations, la nôtre comme les autres.
  4. En tant que pays de destination la France, l’église à un rôle à jouer. Si la prostitution existe c’est parce qu’il y a une demande, la pornographie entretient aussi l’esclavage sexuel, il n’y a pas que des acteurs dans ces films mais aussi des femmes victimes de la traite humaine. Les églises devraient pouvoir parler ouvertement de la sexualité, de la pornographie. Que les hommes dans les églises, les premiers, soient aussi sérieux par rapport à cela. La pornographie touche énormément de chrétiens et de jeunes chrétiens. Des statistiques faites au Canada disent que près de 100 % des jeunes interrogés avaient déjà regardé du matériel pornographique, autant les filles que les garçons. Il y a une très forte connexion entre la traite humaine et la pornographie. On force les femmes prises dans le trafic sexuel à faire du matériel pornographique.
  1. Nous inviter pour une présentation de notre travail !

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Il y a t’il une histoire, un témoignage ou un voyage qui t’a particulièrement touchée ?

J’ai rencontré une jeune fille à Bucarest, venue à une réunion de femme où j’aidais (l’association FREE n’existait pas encore). Elle était complètement déboussolée, dormait dans une voiture. Elle venait de fuir un réseau de trafiquant d’une autre ville et était venue sur Bucarest. Elle a grandi dans une famille avec une mère prostituée, son beau-père était proxénète, une des filles est morte. Elle est partie mais a été enrôlée dans un trafic avec une amie. Comme elle était vierge, contrairement à son amie, on ne l’a pas forcée à se prostituer, on l’a gardé pour en avoir plus d’argent. Mais elle a été finalement violée puis a réussi a s’enfuir. A ce moment là on lui est venu en aide, on l’a hébergé d’urgence en centre, c’est là que je l’ai rencontrée. Elle s’est liée d’amitié avec une autre fille dans ce centre. Cette fille lui a proposé un jour de repartir dans sa ville d’origine pour voir sa famille mais en fait cette jeune fille l’a revendue une fois là-bas. Cette fois ci cela a été horrible pour elle, à tel point que quand elle a réussi à s’échapper, elle était si traumatisée qu’elle n’a pas pu en parler. Cette fois ci on n’a pas pu savoir ce qui s’était réellement passé, c’était un réseau très violent. Mais elle a réussi petit à petit à s’en sortir. Elle s’est mariée et elle a eu un petit garçon ! Elle est heureuse maintenant.

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Un conseil ou un message à adresser aux femmes chrétiennes d’aujourd’hui ? 

J’aurais un message à adresser aux mamans parce que je travaille avec des enfants. Je me rends compte que beaucoup des jeunes filles qui arrivent dans ces situations là, n’ont pas forcement été victimes d’abus, mais n’ont pas eu de soutien familial, parfois les parents sont tellement occupés dans leur travail, dans tout ce qu’ils font à côté. Il faut vraiment accorder du temps aux enfants, parler avec eux de leurs aspirations, de leurs rêves, de ce qu’ils ont sur leur cœur, cela permet de protéger les enfants de ces situations d’exploitations. En Hollande il y a ces « lover boys » qui font les filles tomber amoureuses d’eux pour ensuite les forcer à se prostituer en jouant sur des choses émotionnelles et affectives et ça marche très bien là-bas. Les filles ne se sentent pas assez aimées, écoutées, importantes et tombent dans les griffes de ces lover boys, charismatiques, qui offrent des cadeaux, font des compliments. C’est important de passer du temps avec ses enfants, les biens matériels, l’argent ne résolvent pas tous les problèmes.

Le site de l’association : www.asociatiafree.org    Facebook : associatiaFREE  Twitter : FREE

Merci à Laetitia pour cette entrevue, que le Seigneur la fortifie dans cette oeuvre et nous espérons que de plus en plus de monde sera sensibilisé à ce grand problème qui fait souffrir tant de personnes dans tous les pays du monde. Le film Nefarious montre bien que des femmes partout dans le monde sont victimes de l’exploitation sexuelle.

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